La généalogie mormone : quand une religion s'empare de l'état-civil français

Parce qu'elle ambitionne de baptiser les morts, l'Eglise mormone a développé une importante activité généalogique. En France, des accords avec l'État encadrent même l'accessibilité des mormons aux archives publiques.


Fondée en 1823 par Joseph Smith, l’Eglise de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours s’est ancrée en Utah, principalement à Salt Lake City et sa région qui constituent son bastion historique. Universellement connus sous le nom de "mormons", ses adeptes considèrent que le Salut de l’âme ne peut être assuré que par la réception de la parole de Dieu telle qu’elle fut révélée à Joseph Smith, et consacrée par le baptême selon le rite de leur Eglise.

La particularité des mormons, c'est aussi de baptiser les morts. Lorsque les ascendants familiaux n’ont pu bénéficier de la "parole divine", les mormons considèrent qu'il faut leur garantir le Salut par le baptême après avoir reconstitué les liens ancestraux par le biais d'arbre généalogique. De ce fait, l’Eglise mormone est devenue au fil du temps un acteur majeur de la généalogie à l’échelle planétaire.

Parmi les missions des mormons figure en bonne place la collecte des données généalogiques fournies par les archives d’état-civil paroissiales et administratives, partout où elles existent. C’est ainsi qu’aujourd’hui sont stockées en micro-films dans un local entièrement protégé de l'Utah une partie des données d’état-civil disponibles sur l’ensemble de la planète, l’ambition de l’Eglise mormone étant ni plus ni moins d’offrir le salut éternel à l’humanité toute entière.

Dans une démarche empreinte de prosélytisme, les mormons sont parvenus à convaincre les pouvoirs publics de l’intérêt d’une action dans laquelle ces derniers trouvent leur compte. En France, un arrêté de 1987 acte la coopération entamée dès 1960 entre la direction des Archives de France et la Société généalogique de Salt Lake City, émanation de l’Eglise mormone.

Dans ses dispositions, l’arrêté permet aux mormons de microfilmer à leur guise les archives publiques disponibles, sous réserve d’en fournir une copie à l’organisme gestionnaire. Mais quand on connait la finalité – baptiser les morts –, une telle coopération paraît assez peu éthique.

D'autre part, on peut s'inquiéter de l'éventualité d'un accord tacite, ou d’une collusion, entre les archives publiques et les mormons pour amener les demandeurs à s’adresser de façon exclusive à la société généalogique de Salt Lake City. Peut-on admettre en effet que la France se soit placée en situation de quasi-dépendance d'une religion pour l'exploitation d'une partie de son patrimoine culturel ?

D'autant plus que les archives départementales tendent encore à refuser de transmettre les données généalogiques aux sociétés qui souhaitent les diffuser sur leur site, tout en proposant une option payante des archives indexées, ce qui représente une réelle plus-value pour la recherche généalogique.

Source: http://www.lepost.fr